Non, vous ne rêvez pas, et je n’ai pas fumé de la moquette ce matin. Vous savez que je parle assez souvent des lois relatives à internet, ou à la copie privée.
Et bien voilà que les agriculteurs risquent d’être eux aussi soumis à cette loi. Une proposition de loi est faite en ce moment pour réguler une taxe de « copie » sur les semences.
Explication : Le code de la propriété intellectuelle prévoit en effet aux articles L623-1 et suivants la possibilité pour celui qui invente une nouvelle variété d'obtenir un "certificat d'obtention végétale" (COV). Celui-ci a pour effet de conférer à son titulaire, pendant 25 ou 30 ans selon le type de végétal concerné, un droit exclusif à produire et commercialiser la plante, ainsi que tout élément qui en permet la reproduction ou la multiplication. L'article L623-25 précise que "toute atteinte portée aux droits du titulaire d'un certificat d'obtention végétale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur".
Ce texte a provoqué la colère des agriculteurs, qui pensent que l’industrie des semences souhaite les rendre dépendant à leurs sociétés. Le texte de loi précise d’ailleurs que lorsque des récoltes ont été faites sans l'autorisation du titulaire du COV, le droit exclusif s'étend "au produit de la récolte" et aux "produits fabriqués directement à partir d'un produit de récolte de la variété protégée". Il interdit donc d'utiliser une partie de la récolte pour ressemer l'année suivante, ou d'échanger des semences entre fermes, et menace de rendre invendable toute production qui n'est pas en règle.
De plus, l’article 14 du texte dispose en effet que pour certaines espèces (mais pas toutes), "les agriculteurs ont le droit d'utiliser sur leur propre exploitation, sans l'autorisation de l'obtenteur, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte qu'ils ont obtenu par la mise en culture d'une variété protégée". Mais dans ce cas, "l'agriculteur doit une indemnité aux titulaires des certificats d'obtention végétale dont il utilise les variétés". Le système existe déjà pour les récoltes de blé tendre, et serait ainsi généralisé à l'ensemble des 21 espèces concernées par la loi.
On peut comprendre la colère des agriculteurs, sachant que le montant de cette redevance devrait être de 15%.
La seule bonne nouvelle de cette loi, est que le droit exclusif des titulaires de COV ne s’étendra pas « aux actes accomplis à titre privé à des fins non professionnelles ou non commerciales », ce qui revient à légaliser la reproduction et le partage des semences par les particuliers lorsqu'ils sont réalisés sans but lucratif. Donc, vous pourrez toujours faire pousser vos tomates et courgettes, pour ensuite les offrir sans devoir quoi que ce soit à quiconque.
Cette proposition a d’ailleurs donné des idées aux socialistes qui devraient formuler dans leur programme, une proposition concernant les échanges de fichiers sur Internet qui seraient légalisés dès lors qu'ils sont réalisés hors de l'espace marchand.
On peut surtout se demander où toutes ces histoires de taxes plus ridicules les unes que les autres vont nous mener ? Le jardinier devra-t-il payer à chaque bouture de rose ? L’éleveur à chaque naissance d’un agneau ?
" Quand le pillage devient un moyen d'existence pour un groupe d'hommes qui vit au sein de la société, ce groupe finit par créer pour lui-même tout un système juridique qui autorise le pillage et un code moral qui le glorifie. " (Frédéric Bastiat)